Que signifie la nouvelle réglementation européenne sur les emballages pour la Suisse ?
3 20.02.2023
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Lors du webinaire du 2 mars 2023, Jasmine Voide, responsable projets de la plateforme économie circulaire chez Swiss Recycling, a brièvement présenté le sujet. Le plan d'action pour l'économie circulaire est la pièce maîtresse du Green Deal européen. Dans le cadre de celui-ci, la révision de l'ancien décret sur les emballages (n° 94/62/CE) a également été annoncée afin de l'orienter vers le concept d'économie circulaire. À la fin de l'année dernière (30 novembre 2022) a suivi la publication d'un projet de directive, qui se présente désormais sous la forme d'une réglementation. Le PPWR serait donc directement applicable dans tous les États membres de l'UE et à tous les emballages, quel que soit le matériau.
Une orientation rigide vers la circularité est-elle judicieuse ?
En se basant sur un exposé de Joachim Quoden, directeur général d'Expra (Extended Producer Responsibility Alliance), Jasmine Voide a expliqué le contenu de la proposition de nouvelle législation européenne sur les emballages. Elle a présenté une vue d'ensemble de la large palette d'éléments du PPWR, des objectifs de recyclabilité, des pourcentages de recyclabilité post-consommation des emballages plastiques, des aspects de réduction et de réutilisation, des prescriptions d'étiquetage et également d'éventuelles obligations de consigne. Ces exigences parfois extrêmes pour l'industrie sont justifiées par le fait qu'il y a actuellement trop d'emballages. Les barrières de la circularité et le faible niveau d'utilisation de matériaux recyclés constituent un autre problème. On recourt également à des interdictions (par exemple de certains formats d'emballage, notamment les petits emballages avec des portions uniques) et à des objectifs de réutilisation.
On peut se demander également si cette orientation rigide vers la circularité a un sens ou s'il ne faudrait pas orienter davantage les aspects vers le climat. Il serait peut-être plus judicieux d'adopter une conception et une formulation plus flexibles allant dans le sens d'une « circularité avec neutralité climatique ». La différence entre les États membres concernant les objectifs de réduction n'est pas non plus prise en compte (équité ?). L'introduction de systèmes de consigne entraînera des obstacles plus ou moins importants pour les grands commerçants et les producteurs de boissons vs. ceux de petite et moyenne taille. Néanmoins, des quotas collectifs pour l'utilisation de matières recyclées sont peut-être plus judicieux que les dispositions strictes proposées pour tous les emballages en plastique.
Objectif : harmonisation de l'étiquetage dans l'UE
Le dernier point en particulier - les taux d'utilisation de matières recyclées pour les plastiques - représente un grand défi, car de nombreuses incertitudes subsistent (par exemple, si le recyclage chimique est autorisé et dans quelles conditions). Le PPWR exige en outre une recyclabilité à 100% de tous les emballages d'ici 2030 (en théorie) ainsi qu'une recyclabilité pratique (c'est-à-dire que l'infrastructure de collecte et de recyclage correspondante est disponible) d'ici 2035. La définition de la recyclabilité doit alors être fixée par des actes législatifs.
En ce qui concerne l'étiquetage, l'UE veut également créer une harmonisation entre les États membres et établir un étiquetage unique, probablement basé sur le modèle nordique. Et ce, aussi bien sur les emballages que sur les poubelles. Petite remarque : Swiss Recycling organise le 20 avril un webinaire sur le thème des Green Claims (en allemand) au cours duquel les bases juridiques seront également abordées. À ce propos, il convient de mentionner que la Commission européenne a ouvert une action en justice contre la France concernant l'étiquetage Triman (violation de la libre circulation des marchandises).
Système de consigne exigé pour les bouteilles en plastique et les canettes
Le PPWR exige également un système de consigne pour les bouteilles en plastique et les canettes. Des exceptions sont possibles dans la mesure où un système sans consigne présente la même performance ou un taux de collecte d'au moins 90%. Remarque : en Suisse, ce taux de collecte est dépassé tant pour les bouteilles en PET que pour les canettes en aluminium. Les objectifs de recyclage européens n'ont été relevés que récemment et ne le seront donc pas dans le cadre du PPWR.
Il convient toutefois de noter que le moment de mesure du taux a changé. Pour le taux de recyclage, c'est la matière à l'entrée de l'extrudeur qui est déterminante par rapport à la quantité sur le marché. Le PPWR pose également des exigences en matière de responsabilité élargie du producteur (REP) et exige des systèmes fiables assortis de garanties financières.
Quand la nouvelle réglementation entrera-t-elle en vigueur ?
Il est actuellement difficile de dire quand et sous quelle forme le PPWR entrera en vigueur, puisque le processus vient juste de commencer. Il est important de noter que de nouvelles élections auront lieu en mai/juin 2024, donc si aucune conclusion n'intervient d'ici là, il est possible que le processus reprenne depuis le début.
Que signifie la nouvelle réglementation pour la Suisse?
En Suisse aussi, le thème de l'économie circulaire est à l'ordre du jour politique : avec l'initiative parlementaire 20.433 « Renforcer l'économie circulaire suisse », une révision potentielle de la loi sur la protection de l'environnement (LPE) est imminente. Lors de sa séance du 15.02.2023, le Conseil fédéral a cependant également pris position sur la proposition de la CEATE-N et soutient le projet (voir ici).
En Suisse, la base légale pour les emballages est actuellement constituée de deux textes réglementaires : l'ordonnance sur les emballages pour boissons (OEB), qui réglemente les emballages pour boissons, et l'ordonnance sur la prévention et l'élimination des déchets (OREA). Il n'existe pas d'ordonnance générale sur les emballages, et par conséquent, à l'exception des emballages de boissons, il n'y a pas non plus d'objectifs quantitatifs pour les emballages. La révision de la LPE ouvre la voie à l'intensification de l'économie circulaire. Il est possible d'interdire et de prescrire des produits, une libéralisation partielle du monopole des déchets est possible et la primauté est donnée à la valorisation matière sur la valorisation thermique.
En ce qui concerne le PPWR, les entreprises suisses sont indirectement concernées dans deux cas : lorsqu'elles exportent des marchandises vers l'UE qui sont revendues par un importateur ou lorsqu'elles exportent directement à des fins de consommation. Les deux cas diffèrent en ce qui concerne les responsabilités. Néanmoins, les entreprises qui exportent des marchandises vers l'UE ont tout intérêt à s'assurer que celles-ci sont conformes à la nouvelle réglementation PPWR.
Recommandations pour les entreprises suisses
Pour les entreprises suisses, il est donc également recommandé de minimiser l'utilisation des matériaux, de respecter les directives de conception pour le recyclage, de viser une utilisation maximale des matériaux recyclés et d'établir des systèmes de réutilisation lorsque cela est judicieux. Il s'agit d'utiliser les ressources de manière efficace et de boucler la boucle. La meilleure solution écologique doit être recherchée indépendamment des matériaux et sur la base de faits et de procédés scientifiques.
Ce que les entreprises peuvent faire, c'est veiller, sous leur propre responsabilité, à des taux de collecte élevés. Bien que nous soyons déjà à un niveau élevé pour le verre, l'aluminium et les emballages de boissons en PET, nous avons encore du retard à rattraper, en particulier pour les plastiques mixtes. Dans ce domaine, de nombreuses entreprises s'engagent également sur toute la chaîne de valeur dans le cadre du projet « Collecte 2025 » pour une collecte et un recyclage au niveau national des emballages en plastique et des briques à boisson.
Les enjeux de pilotage d’un groupe industriel
Guillaume Darbon-Guillin du Groupe Guillin a présenté les enjeux pour un groupe européen d’emballages.
Les complexités de la politique
Il explique que le PPWR, en tant que règlement, encadre les directives et représente une clarification bienvenue dans une situation devenue incertaine. Contrairement à la SUP, qui est une directive et qui peut être interprétée de manière différente dans chaque pays européen, le PPWR met un cadre uniforme et commun dans toute l’UE. Néanmoins, celle-ci comporte elle aussi des risques pour l’industrie de l’emballage (gestion des importations asiatiques, durabilité des matériaux, progrès technologiques) et un échange doit avoir lieu entre les industriels et les politiques en charge de cette loi. Cela aurait pour objectif de mesurer clairement les impacts des décisions qui sont prises une politique cohérente, durable et réaliste garantissant la sécurité du droit.
Le projet de loi sur les déchets à Genève est l’exemple même de ce qui ne doit pas être fait. Cela vient perturber un éco-système en développement (cf. collecte 2020-2025). Une base légale globale avec un cadre général permet ainsi aux entreprises de travailler librement, de façon sereine et proactive et de trouver les meilleures solutions adaptées au marché.
Les investissements dans les entreprises se font sur un temps long, mais aujourd’hui les différents changements de cap réguliers de la politique rendent la gestion d’un groupe industriel de plus en plus compliquée, privant ainsi les dirigeants de la vision long terme nécessaire au bon pilotage d’une société.
Pour l’instant, les échanges entre industriels et politiques manquent cruellement. Pour Guillaume Darbon-Guillin, l’industrie a beaucoup à apporter à la politique dans ces périodes où des décisions majeures sont prises façonnant l’avenir de notre filière. La solution de demain doit être co-conçue, prenant en compte de l’expérience de chacun.
Le contenu du PPWR
Le PPWR traite un emballage alimentaire primaire de la même manière qu’un emballage secondaire (carton de transport) ou tertiaire (palette, film étirable …), ce qui peut avoir des conséquences sur la santé publique. Par exemple: la notion d’incorporation de matière recyclée est très importante dans le PPWR.
Or, cela ne pose aucun problème dans le cas d’un emballage d’un produit électronique ou encore d’une boite de transport. A contrario, pour l’emballage en contact avec l’aliment, il est primordial de respecter des normes strictes pour éviter la contamination par la migration de substances indésirables.
Par exemple, il est possible d’utiliser du PET recyclé dans un emballage alimentaire, alors que pour le PP, ce n’est pas le cas, il peut être néanmoins recyclé dans une autre filière (laine polaire, tableau de bord d’une voiture, moquette …). Dans le cas du carton, seul la fibre 100% vierge est tolérée dans le secteur alimentaire.
La définition d’un emballage à usage unique n’est pas claire au niveau Européen. En effet, la définition n’est pas la même dans le PPWR que dans la SUP, une uniformisation est donc nécessaire.
Les analyses de cycle de vie (ACV) montrent qu’un emballage réutilisable n’est pas toujours meilleur (bilan carbone) qu’un emballage à usage unique. Chaque matériau à une utilité et des propriétés qui lui sont spécifiques. Ainsi il est important de ne pas les opposer et de choisir le juste matériau pour le juste usage.
La fonction première d’un emballage alimentaire est la protection du produit, sa conservation ainsi que la logistique associée. Les marquages sur les emballages (tri-man, mobius…) sont importants, et doivent être encore améliorée, notamment au travers d’une harmonisation européenne. Cela permettra de développer la collecte qui doit continuer de se structurer davantage, notamment en mobilité.
L’emballage utile
Dans certains cas de figures, la suppression d’emballage peut augmenter le gaspillage alimentaire de manière spectaculaire, comme p.ex. des framboises vendues en vrac : près de 80% de gaspillage.
Un emballage adapté réduit le gaspillage alimentaire. Le rapport du projet « Stop waste save food » le montre bien : L’impact total sur le climat du secteur de l’alimentation est de 27.6%. Sur ce pourcentage, l’impact de l’emballage est de seulement 0.9% y compris le stockage et le transport.
L’amélioration du traitement de la fin de vie, la réutilisation ou encore la réduction du sur-emballage sont des sujets importants qui se doivent être traités quotidiennement. Néanmoins, les choix qui sont faits doivent tenir compte de l’ensemble de la chaine et ainsi ne pas augmenter le gaspillage alimentaire ce qui pourrait avoir des effets néfastes sur le climat.
En tant qu’expert du domaine de l’emballage, il est primordial de conseiller les clients pour trouver l’emballage idéal pour minimiser l’impact environnemental de la solution globale et protéger au mieux le produit. Le matériau est secondaire, que ce soit du papier, du carton, ou du plastique, si l’emballage correspond parfaitement à l’usage qui lui est demandé.
A la fin des exposés, Caroline Heinz de DSS+ c’est joint à Guillaume Darbon-Guillin et à Jasmine Voide pour répondre aux questions des participants.
Si vous souhaitez voir la version enregistrée du webinaire (service payant), adressez-vous à info @ swissrecycling.ch